Pour les investisseurs, le thème des actions vertes conserve-t-il son potentiel haussier ?

Des actions vertes

C’est une question que l'on pose de plus en plus souvent à Sharon Bentley-Hamlyn, gestionnaire chez Aubrey Capital Management Ltd. Ce sujet étant susceptible d’intéresser nos lecteurs, nous vous proposons la transcription brute d’une conversation récente que nous avons eue avec elle : 


Q.   L’offre en matière d’actions vertes a atteint des records l’an dernier et selon de nombreux observateurs, cette tendance ne va faire que se confirmer. Comment voyez-vous l’univers des actions vertes ?                                                                                                                              Nous trouvons les actions vertes très intéressantes, mais l’offre a énormément évolué dans ce domaine. Il faut donc se montrer très sélectif pour déceler des opportunités. Nous pensons que la transition énergétique et l'abandon des énergies fossiles vont s’accélérer sous l’effet de la crise de la Covid, et que les gouvernements vont promouvoir l’investissement dans ces domaines afin de stimuler la croissance économique et l’emploi. L’Europe a été un acteur de premier plan dans le domaine des énergies vertes. Le Green Deal de l’UE comprend un plan d’investissement de 1 000 milliards d’euros, dont un engagement de 750 milliards d’euros en faveur de la « relance verte ». Si l’objectif est d’atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050, l’UE doit passer par plusieurs étapes intermédiaires d’ici à 2030 pour y parvenir. Par exemple, les émissions de l’UE devraient baisser de 50 à 55% par rapport aux niveaux de 1990, et les énergies renouvelables devraient représenter 32% de la production énergétique. Pour atteindre cet objectif, il faudra poursuivre la décarbonisation de l’électricité, des transports, du chauffage et des procédés industriels. 
 
Q.   Constatez-vous des différences régionales ?
Nous avons l’impression qu’il s’agit d’un phénomène mondial et non régional. Toutefois, une récente enquête menée par OnePoll1  auprès de 1 250 entreprises employant 500 salariés ou plus a mis en évidence des différences régionales. En effet, les entreprises américaines accordent moins d’importance à l’environnement que les entreprises européennes, même si toutes les entreprises interrogées estiment que l’environnement était plus important que le facteur social et de gouvernance pour la réputation de leur marque. L’enquête a également révélé que 63% des entreprises envisagent de consacrer un budget plus important aux facteurs ESG en 2021, contre 6% qui prévoient de le réduire. 
 
Q.    La demande en actifs ESG, à fort impact et verts est en plein essor. Observez-vous une pénurie d’offre pour ces actifs ? 
La définition du terme « ESG » est différente selon les observateurs et l’on voit émerger une tendance à adopter une approche « best in class » vis-à-vis des critères ESG. Cette approche surestime largement l’offre, en englobant toutes sortes d’entreprises qui ne sont pas, selon nous, de véritables actifs ESG, p.ex. l’entreprise pétrolière enregistrant le score ESG le plus élevé du secteur. Mais il est clair que toutes les entreprises doivent faire des efforts dans ce domaine, qui est devenu un sujet d'actualité. Récemment, le PDG de BlackRock aurait envoyé un message aux PDG de toutes les sociétés dans lesquelles le groupe est investi, pour leur demander de publier un plan de mise en conformité de leur modèle avec une économie zéro émission, dans laquelle le réchauffement climatique serait limité à un niveau inférieur à 2 degrés, conformément à l’objectif mondial de ne plus générer aucune émission de gaz à effet de serre d’ici à 2050.
 
S’il existe une pénurie d’actifs véritablement liés à l’environnement, c’est que ce secteur n’en est qu’à ses balbutiements. Certaines des sociétés les plus intéressantes dans ce domaine sont encore assez petites et leur capital est peu dispersé. Il ne fait aucun doute que le secteur va gagner énormément d'ampleur. Il devrait par conséquent être propice aux actionnaires à long terme. 
 
Q.   Qu’en est-il des valorisations ? 
Encore une fois, les valorisations dépendent de votre horizon de placement. Les valorisations de certaines actions ont été légèrement surévaluées, tandis que d’autres restent attrayantes. Mais quelle que soit l’action que vous achetiez, vous devez adopter une vision à long terme, car les bénéfices générés par bon nombre de ces sociétés ne devraient se concrétiser que dans quelques années. Il pourrait exister des opportunités de croissance solides sur plusieurs années2.  
 
Q.   À quel secteur êtes-vous le plus fortement exposés ? 
Nous sommes surtout exposés à l’énergie solaire. Nous nous sommes intéressés aux technologies solaires dès le commencement de notre activité en 2007. Il se trouve qu’un associé d’Aubrey avait reçu une décharge électrique en escaladant un câble solaire électrifié quelques années auparavant, lors d’une randonnée en Écosse. Ce qui avait littéralement piqué sa curiosité ! L’un des premiers investissements que nous avons réalisés en 2007 concernait un producteur allemand de cellules photovoltaïques. Nous avons par la suite investi dans une autre société allemande qui produisait des cellules et des modules. Ces sociétés ont enregistré de bonnes performances cette année-là, mais la crise financière mondiale, la chute des prix du pétrole, la réduction des tarifs de rachat pour les énergies renouvelables et le déluge de cellules bon marché produites en Chine ont eu raison de cette belle expansion, et nous sommes sortis du secteur en 2008. L’une de nos sociétés a finalement été rachetée par un groupe coréen et l’autre a déposé le bilan en 2017. Cependant, nous avons continué à surveiller ce secteur car l’idée d’exploiter la puissance inépuisable du soleil pour produire de l’énergie était, et demeure, une idée fascinante. 
 
Nous avons ravivé la flamme l’année dernière en nous intéressant à une société espagnole qui construit des centrales solaires. L’actuel PDG n’est autre que l’entrepreneur qui a fondé la société en 2007. De 2007 à 2010, il a eu recours à des family offices pour acquérir et financer de petits projets solaires (autour de 20). À partir de 2013, il en construisait 10 à 15 par an en vue de les revendre, généralement à une capacité d’1 à 2 MW. Quand les tarifs de rachat ont été supprimés, il disposait d’une capacité d’environ 20 MW. Avec la crise espagnole de 2012 et la crise de la zone euro, il s’est rendu compte que l’Espagne n’était pas le marché le plus propice. Il a donc revendu toutes ses petites usines en Espagne et a commencé à s’ouvrir sur de nouveaux marchés. Il a utilisé les flux de trésorerie et le produit de la vente des usines pour pénétrer l’Amérique latine, acheter 30 usines au Chili et ouvrir des bureaux commerciaux au Mexique, en Colombie, au Pérou et en Argentine. Il est ensuite revenu en Espagne et en Italie, mais c’est au Chili que la société possède actuellement la majeure partie des usines. Le Chili est en train de développer son industrie photovoltaïque beaucoup plus rapidement que l’Espagne. Se basant principalement sur les prévisions de croissance des mines de cuivre, une industrie friande en énergie, le gouvernement a estimé en 2014 qu’il serait confronté à une grave pénurie énergétique à long terme, exacerbée par l’effet de la sécheresse sur la production hydroélectrique et la cessation des livraisons de gaz par l’Argentine. La société dans laquelle nous investissons possède sa plus grande usine, d’une capacité installée de 103 MW, dans le désert d’Atacama, l’une des régions les plus sèches de la planète. Au fil des ans, l’entreprise a acquis une expertise considérable dans le développement et la construction de projets. 
 
Les dépenses d’investissement dans les technologies solaires reculent d’année en année. En 2007, il fallait investir 7 millions de dollars pour générer 1 MW. Aujourd’hui, il faut 400 000 euros et l’électricité solaire peut être produite pour la moitié du prix. La société vend toujours des usines aux fonds de pension, mais aujourd’hui, il s’agit davantage de construire pour détenir que de construire pour revendre. Lorsque ceux-ci construisent des usines pour les conserver, ils affichent une marge d’EBITDA de 30% et génèrent de nombreuses liquidités, ce qui leur permet d’éviter les augmentations de capital. Toutefois, une émission d’actions est prévue au deuxième semestre 2021 pour financer leur vaste pipeline. La société visait 700 MW en 2020 (dont une usine espagnole de 200 MW), 1,5 GW en 2021 et 2,5 GW en 2022. La durée de vie d’une usine est de 40 ans. Dès qu’elle est raccordée au réseau, elle commence à générer un EBITDA récurrent pendant plusieurs décennies et les bénéfices s’accumulent. Dans ce contexte, notre investissement portera ses fruits encore longtemps. 
Cela ne signifie pas que le cours de l’action ne sera pas volatil, mais simplement qu’à long terme, la croissance structurelle sera au rendez-vous, de sorte que les actionnaires devraient être récompensés3.  
 
Q.   Quels sont les autres aspects du secteur qui vous intéressent actuellement ? 
Nous détenons quelques positions dans l’hydrogène, dans une société d’électrolyseurs et dans plusieurs entreprises de piles à combustible. Parmi elles, la plus intéressante est peut-être la société d’électrolyseurs. Les électrolyseurs, qui créent de l’hydrogène vert à partir de l’eau et des énergies renouvelables, peuvent être utilisés dans différentes industries, des services aux collectivités à l’industrie chimique en passant par le ravitaillement pour la mobilité électrique. La société dans laquelle nous investissons n’a que 20 ans d’expérience dans ce secteur, mais a réussi à établir des partenariats avec des acteurs de grande envergure tels que Linde, le spécialiste mondial des gaz industriels, Shell et SNAM en Italie. Elle a construit la plus grande usine d’électrolyseurs à membrane échangeuse de protons au Royaume-Uni, qui peut produire jusqu’à 1 GW par an. Une fois que cette usine aura atteint 60% de sa capacité, la société construira probablement une autre usine en Italie, en Espagne ou en Allemagne. Elle dispose d’un carnet de commandes de 284 millions de livres sterling et d’un pipeline très important. L’entreprise est à un stade relativement précoce de son déploiement, mais il est clair que la technologie fonctionne et que ces grands partenaires lui font confiance, ce qui devrait lui conférer un excellent potentiel de croissance. 
 
Dans le domaine des piles à combustible, nous avons investi dans une entreprise canadienne active dans le secteur depuis 40 ans, et dans une entreprise britannique plus récente fondée il y a 20 ans. Une pile à combustible est une unité de production d’électricité qui génère, sans combustion, un courant électrique à partir d’une réaction chimique. C’est le moyen le plus efficace de convertir le carburant en énergie : élargissant l’autonomie des véhicules à environ 600 km, la pile permet un ravitaillement plus rapide et des coûts d’entretien réduits pour les véhicules utilitaires. Les deux sociétés ont conclu des partenariats avec des fabricants de moteurs diesel, y compris une grande entreprise chinoise, et construisent actuellement des piles à combustible pour les autobus et les camions. On évoque également des opportunités à plus long terme pour les chemins de fer, les ferries, les voitures et les véhicules hors route. La réglementation américaine exige que 100% des parcs d’autobus enregistrent zéro émission d’ici à 2040 ; tandis que la norme Clean Truck impose à 100% des camions HMD vendus en Californie d’afficher zéro émission d’ici à 2045. 15 États ont signé un protocole d’accord pour que 30% des camions HMD vendus fassent de même d’ici à 2030 et 100% d’ici à 2050. En Chine, le gouvernement a annoncé un tournant politique en septembre 2020. La province de Shandong déploiera 50 000 véhicules à pile à combustible d’ici à 2030, tandis que la ville de Qingdao déploiera 8 000 véhicules électriques à pile à combustible, 30 lignes de bus électriques à pile à combustible, 2 lignes de tramway à pile à combustible et 50 stations de ravitaillement en hydrogène dans le même délai. La ville de Canton, quant à elle, s’est donnée jusqu’à 2020 pour doter 30% de son parc de véhicules de transport public et d’assainissement de piles à combustible, avec plus de 100 stations de ravitaillement. L’une de nos entreprises développe également des applications stationnaires pour les petites centrales électriques, les usines et les centres de données et ses cellules sont capables de fonctionner avec un éventail de carburants, pas seulement l’hydrogène. 
      


Article rédigé en février 2021 par Sharon Bentley-Hamlyn. Il est possible que les avis et commentaires renseignés dans ce document ne soient plus valables à une date ultérieure. Les comportements de marché passés ne préjugent en aucune manière de leurs comportements futurs.


À propos de Sharon Bentley-Hamlyn
Sharon Bentley-Hamlyn est gestionnaire chez Aubrey Capital Management Limited, un gestionnaire spécialisé dans les actions de croissance mondiales et basé à Edimbourg, qui travaille en étroite collaboration avec TreeTop Asset Management.


https://www.aubreycm.co.uk/
https://www.linkedin.com/company/aubrey-capital-management-ltd

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